Comprendre le genre pour mieux penser le monde

Ce qu’il faut retenir du Gender Research Workshop du 4 mars 2025

6.3.2025

Dans un contexte mondial où les questions de genre sont au cœur des débats sociétaux et politiques, l’ESSEC Business School a organisé le Gender Research Workshop sur le campus de Cergy. Intitulé Where should the Gender Agenda go in a changing world?, cet événement a réuni chercheuses et chercheurs de diverses disciplines pour explorer les enjeux contemporains liés au genre sous l’angle de la recherche.

 

Une ouverture sur les défis actuels

La matinée a débuté par une introduction de Ha Hoang, Doyenne de la Recherche à l’ESSEC, qui a rappelé l’importance des études de genre dans un monde en mutation. L’agenda du genre n’est plus uniquement une question de parité ou d’inclusion, mais un enjeu transversal impactant les dynamiques économiques, sociales et culturelles.

Laurent Bibard, professeur au département Management de l’ESSEC, a ouvert les présentations avec une intervention sur la phénoménologie de la sexualité. Il a mis en lumière l’influence de la situation géopolitique sur les questions de genre, rappelant que celles-ci sont de plus en plus politisées, comme en témoignent les débats autour des minorités sexuelles ou des déclarations de dirigeants influents. Cette instrumentalisation politique du genre s’inscrit dans un contexte plus large de régression des libertés, où les idéaux de démocratie, d’égalité et de respect sont fragilisés. Laurent Bibard a insisté sur la nécessité de ne pas oublier l’histoire et les combats menés contre le sexisme et le patriarcat. Dans un monde où les démocraties sont mises à l’épreuve, il a ainsi appelé à la vigilance et à l’action pour préserver ces acquis fondamentaux.

 

Des chiffres et des faits : comprendre l’impact du genre dans l’économie

Angela Sutan, professeure associée au département Public & Private Policy de l’ESSEC, a présenté des expériences menées sur la sélection des femmes dans les entreprises. Ses travaux s’inscrivent dans un contexte où les femmes continuent de représenter moins de 30% des postes de direction en France selon l’Insee. Un des résultats marquants de ses recherches est que la composition des comités de sélection influence directement la part des femmes recrutées. Lorsque les recruteuses sont des femmes, les choix sont mixtes à 37 %, contre seulement 13 % lorsque ce sont des équipes exclusivement masculines qui décident.

Un autre aspect étudié concernait la manière dont les femmes sont éliminées des processus de sélection. En utilisant des avatars pour simuler des candidatures et observer la formation des conseils d’administration, Angela Sutan a mis en évidence une tendance inquiétante : les femmes sont les premières à être évincées des processus de sélection. Ces résultats soulignent l’importance de comprendre les dynamiques de sélection afin d’identifier les leviers d’action pour une meilleure représentation des femmes dans les postes à responsabilités.

Isabelle Solal, professeure assistante au département de management de l'ESSEC, a analysé l’influence du genre des dirigeants sur la rémunération des employés. En s’appuyant sur des données provenant du Portugal, elle a observé que les salaires les plus élevés, en particulier ceux des femmes, tendent à être moins importants dans les entreprises dirigées par des femmes. Ses résultats soulèvent des questions essentielles sur les perceptions et comportements liés à la rémunération et au leadership, ouvrant la voie à de nouvelles recherches. Si la présence de femmes à des postes de direction est souvent associée à des préférences plus favorables aux employés, cette corrélation ne se traduit pas nécessairement par une réduction des inégalités salariales entre hommes et femmes. Ces résultats invitent à repenser les effets attendus de la féminisation des postes de direction sur la réduction des inégalités salariales et à explorer plus en profondeur les relations employeurs-employés et les perceptions qui sous-tendent ces pratiques. L’étude met en évidence le rôle central des dirigeants dans la fixation des salaires, ainsi que les préférences et choix des salariés qui influent sur les pratiques salariales. 

 

Science et engagement : la place des femmes en mathématiques

L'atelier a également accueilli Constanza Rojas-Molina, professeure associée de mathématiques à CY Cergy Paris Université. Membre de l'Association of Women in Mathematical Physics, elle a partagé son expérience et mis en avant les actions qu’elle mène pour rendre les mathématiques plus attractives auprès des jeunes femmes. En France, seules 17 % des chercheuses en mathématiques sont des femmes, selon le CNRS. Son intervention a souligné l’importance de rendre les carrières scientifiques plus inclusives et visibles. D’origine chilienne et issue d’un milieu modeste, Constanza Rojas-Molina a raconté son parcours académique semé d’embûches, illustrant les défis auxquels sont confrontées les femmes dans le monde scientifique. Elle a notamment évoqué la pression qu’elle a ressentie pour correspondre aux attentes de son milieu, allant jusqu’à cacher son talent pour l’illustration de peur de perdre en crédibilité auprès de ses collègues. À travers son engagement dans des initiatives telles que la Young Women Academy en Allemagne et la célébration de la Journée internationale des femmes en mathématiques, elle œuvre pour inverser cette tendance. En utilisant des outils comme le graphic recording et le sketchnote, elle cherche à rendre les mathématiques plus accessibles et attractives. Enfin, elle a abordé les dilemmes spécifiques aux femmes en milieu académique, notamment la difficulté de concilier carrière scientifique et vie familiale. Malgré ces défis, elle a insisté sur l’importance du soutien institutionnel et du plaisir d’enseigner pour encourager les vocations féminines en mathématiques.

 

 

Une table ronde pour façonner l’avenir

L’événement s’est conclu par une table ronde animée par Junko Takagi, professeure de management à l’ESSEC qui a réalisé de nombreuses études sur la diversité et ses implications en France et dans les pays anglo-saxons. Ce moment a offert aux intervenants et participants un espace d’échange sur le rôle clé de la recherche sur le genre et sur l’importance d’intégrer cette perspective pour mieux comprendre les dynamiques organisationnelles et institutionnelles. Femmes et hommes ont pris part aux discussions sur un enjeu universel : comment rendre les processus de recrutement et de rémunération plus équitables ? Quelles stratégies peuvent encourager davantage de femmes à se tourner vers les carrières scientifiques et à accéder à des postes de leadership ? 

Au-delà de la mise en lumière des contributions intellectuelles des chercheuses, cet atelier a rappelé que les questions de genre concernent l’ensemble de la société. Un défi permanent qui continue de transformer nos modèles et nos pratiques dans un monde en constante évolution.

 

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