Avec
Estefania Santacreu-Vasut
François Longin, Professeur de finance, et Estefania Santacreu-Vasut, Professeure Associée d'économie, présentent leur projet Gender & Finance, ainsi que leurs travaux de recherche portant sur la réaction des marchés financiers quant à la nomination d'un/e PDG, et ceci grâce à un outil de simulation innovant, SimTrade.
Mariya : Je suis aujourd’hui avec François Longin et Estefania Santacreu-Vasut, Professeurs à l’ESSEC Business School, qui ont cofondé le projet “Gender & Finance”. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ? Pourquoi avez-vous choisi de collaborer sur ce projet, et quels sont vos objectifs ?
François : J’étudie les marchés financiers depuis longtemps. A l’aide de SimTrade, un outil de simulation que j’ai développé afin de faciliter l’apprentissage et la découverte des marchés financiers, au fil des expérimentations, j’ai eu l’impression que les comportements des étudiantes et des étudiants n’étaient pas les mêmes, et ce sur plusieurs plans. D’abord d’un point de vue proprement financier, en matière d’analyse de l’information, de prise de risques, et de la nature des décisions, mais aussi sur l’effectivité de l’apprentissage. J’en ai donc parlé à Estefania qui est la spécialiste des questions de genre à l’ESSEC, et nous avons décidé de créer ce projet Gender & Finance. Ce projet a pour objectif de mettre en exergue les enjeux de genre dans le secteur financier, et il se fonde sur 3 piliers : la recherche, la pédagogie et la politique.
Mariya : La lutte contre les inégalités de genre est une priorité dans beaucoup d’organisations et de secteurs. Pouvez-vous nous indiquer en quoi votre projet est innovant ?
Estefania : Notre approche du genre est contextualisée strictement au sein du monde des marchés financiers. Cela nous permet d’innover sous deux aspects différents. D’abord, nous étudions la question du genre dans un secteur dans lequel l’unique objectif est de maximiser les profits, et non de lutter contre les inégalités de genre. Deuxièmement, nous étudions la façon dont les individus réagissent en fonction des brèves genrées qu’ils reçoivent, dans un environnement saturé d’informations où le traitement rapide des données reçues est très coûteux.
Mariya : Comment avez-vous créé ce contexte informationnel riche ?
François : Nous avons utilisé SimTrade qui est une plateforme de simulation sur les marchés financiers. Au début de la simulation, le participant dispose d’un compte avec de la liquidité et un certain nombre d’actions d’une compagnie qui s’appelle SunCar. Pendant la simulation, il ou elle est en situation d’acheter ou de vendre ses actions SunCar en fonction des brèves qu’il ou elle reçoit au fil de la journée.
Nous nous concentrons sur les brèves à caractère genré, par exemple le genre de la nomination du prochain PDG. Nous analysons les réactions des participants à cette annonce. Achètent-ils des actions ? Ou est-ce qu’ils les revendent ?
Mariya : Quelle est votre méthodologie ?
Estefania : Nous faisons nos expérimentations dans un environnement paramétré. Nous testons la dimension genrée à la fois à l’échelle du PDG, pouvant être un homme ou une femme, et à l’échelle du participant, pouvant aussi être un homme ou une femme. Concrètement, nous conduisons nos expérimentations au sein du K-Lab de l’ESSEC avec des étudiants de l’école. Cette méthodologie nous permet de mettre en exergue les questions de genre dans les marchés financiers, comme nous savons précisément qui sont les participants à la simulation et quel est leur genre.
Mariya : Et donc, qu’avez-vous pu constater ?
François : En analysant les données de la simulation SunCar, nous avons constaté que lorsqu’une femme PDG est nommée, les participantes ont tendance à acheter des actions, alors que les participants ont tendance à les vendre. Inversement, lorsqu’un homme est nommé, les participantes ont tendance à vendre, et les participants à acheter. Nous considérons que ces résultats constituent la preuve d’une connivence des genres.
Mariya : Si on devait retenir un seul élément de vos travaux, lequel serait-ce ?
Estefania : Le principal élément à retenir est que le marché est en quelque sorte “genré”. Dans un marché financier dominé par des traders essentiellement masculins, le prix de l’action peut avoir tendance à diminuer lorsqu’une femme est nommée PDG, reflétant la répartition des genres au sein des acteurs du marché.
De plus, on a aussi observé que les acteurs du marché peuvent tout à fait décider de vendre ou d’acheter non pas par conviction, mais simplement par anticipation de la croissance ou de la décroissance du marché.
En agissant par convention et non par conviction, les forces du marché entretiennent les stéréotypes et les inégalités de genre. Avec notre projet Gender & Finance, nous avons comme objectif de faire connaître ces stéréotypes notamment auprès des étudiants en école de commerce, et ainsi permettre d’enclencher une évolution positive des mentalités et donc de créer de la valeur dans la société.
Mariya : Merci beaucoup d’être venus. Si vous voulez en savoir plus sur le projet Gender & Finance et ses actualités, rendez-vous sur le site genderfinance.net.