Les étudiants de l'ESSEC Business School et l'Union Européenne : quelles perceptions ? quelles attentes ? quelles priorités ?

6.6.2024

Résumé de l’enquête menée au printemps 2024 auprès de 500 étudiants par Aurélien Colson et Édouard Gaudot.

L’ESSEC prépare à la vie professionnelle des futurs cadres d’entreprises et d’organisations qui,
en majorité, évolueront au sein de l’Union européenne (UE). Des défis économiques, sociaux, environnementaux et géopolitiques majeurs se jouent dans la dimension européenne. C’est pourquoi l’ESSEC considère qu’il est essentiel d’aider ses étudiants à mieux comprendre l’UE – et de leur donner la parole : comment perçoivent-ils cette union de 27 États-membres ? Quelles sont leurs attentes ? Quelles priorités pour le futur Parlement européen?

Les co-auteurs ont donc organisé une consultation en 24 questions, à laquelle ont répondu près de 500 étudiants de l’école. Cette enquête n’a pas d’équivalent dans les institutions d’enseignement supérieur en France. Voici un résumé de ses résultats.

62 % des étudiants de l’ESSEC ont une vision positive de l’UE, seulement 16 % en ayant une vision assez ou très négative ; 21 % en ont une opinion « ambivalente ».

La construction européenne constitue un progrès pour les sujets importants à leurs yeux comme la protection des droits humains (75 %) et la transition écologique (73 %).

Les étudiants interrogés, français ou ressortissants d’un État-membre, se sentent massivement « citoyens européens » (75 %).

Pour les élections au Parlement européen, nos étudiants ont la volonté affirmée de peser par leur vote : 85 % voteront (69 % « certainement » et 16 % « très probablement »), contre 30 % chez les Français de 18-25 ans (sondage IFOP 16 mai 2024). Ils sont cependant 72 % à regretter un déficit d’information concernant les activités du Parlement.

Concernant leurs intentions de vote, les proportions s’inversent par rapport à l’ensemble des 18-25 ans (sondage IFOP précité) au profit d’un « bloc central » des quatre familles politiques (PPE, S&D, Renew, Verts/ALE) dont la convergence au Parlement forme le socle des majorités favorables à la construction européenne.

  • Les intentions de vote aux extrêmes du spectre politique s’effondrent : les listes LO / LFI / PC / RN / Reconquête totalisent 28,5 % auprès des étudiants interrogés, contre 58,5 % auprès de l’ensemble des 18-25 ans.
  • Au contraire, les forces au centre de l’échiquier enregistrent de meilleures intentions de vote auprès des étudiants de l’ESSEC, par rapport à celles exprimées par l’ensemble des 18-25 ans. En tête, la liste Renaissance, Modem, Horizons (25,1 %) voit ses intentions de vote multipliées par 4,2; les listes EELV et PS-Place Publique par 1,7; la liste LR par 2,4. Le total des intentions de vote pour les listes Renew/EELV/PS-Place Publique/LR est de 69,8 % auprès des étudiants, contre 29,5 % auprès de l’ensemble des 18-25 ans.

Pour 73,5 % de nos étudiants, l’UE est bien une construction démocratique.

Invités à choisir « trois valeurs ou principes » qui représentent le mieux l’UE, les étudiants ont cité 1283 mots- clefs ou expressions, regroupés en 227 clusters classés selon leurs occurrences depuis les plus cités jusqu’aux plus rares. Ce tableau exprime une perception massivement positive de l’UE chez nos étudiants.

- Un espace de « solidarité entre les peuples » (108 occurrences), une « union » (33), permettant l’ « entraide » (30), dans une « unité » (49) qui n’exclut pas la « diversité » (31).

- Cette union permet « la paix » (80), dont elle est à la fois l’instrument et la finalité.

- Un espace de « liberté(s) » (73), de « démocratie(s) » (59), espace caractérisé par « l’État de droit, les droits fondamentaux » (28), « l’égalité » (25) ou « la fraternité » (17).

- Cet espace se fonde sur « la coopération » (39) et la « liberté économique, le libre-échange, la libre circulation des biens et capitaux » (40), instruments de « la prospérité, la richesse, la
croissance » (31). Cette « cohésion économique » (22) n’est pas séparable de « la liberté de circulation des personnes » (22) et de « la culture, la diversité culturelle, l’ouverture d’esprit » (39).

- Cet édifice repose sur une méthode faite de « collaboration, co-construction, co-décision, collégialité, concertation, compromis, consensus, débat, discussion, négociation » (28).

- Il faut descendre dans le classement pour trouver un premier cluster négatif : « Bureaucratie, technocratie » (17). La « perte de souveraineté » n’est citée que 6 fois.

Concernant les trois problèmes actuels les plus importants auxquels l’UE doit faire face, les étudiants placent en tête les migrations forcées et l’immigration, puis l’environnement et le changement climatique, enfin la guerre en Ukraine.

Interrogés sur leurs attentes vis-à-vis de l’UE pour leur génération, les étudiants placent en tête « Préserver la paix, renforcer la sécurité des États membres et promouvoir la coopération internationale », puis « Promouvoir des politiques favorables à l’environnement et à la lutte contre le changement climatique » et « Promouvoir les droits humains, la démocratie et les valeurs européennes communes ». Les thèmes économiques et sociaux (emploi, lutte contre la pauvreté) arrivent en milieu de classement.

Concernant les priorités d’action pour le prochain Parlement, un cluster de trois sujets à tonalité géopolitique émerge : l’autonomie énergétique et industrielle, la souveraineté alimentaire et donc la politique agricole, enfin la défense et la sécurité extérieure. La lutte contre le changement climatique, en deuxième position, complète cette hiérarchie.

Conscients que « l’union fait la force », 48,5 % des étudiants considèrent que les États-membres devraient confier plus de compétences à l’UE afin de parvenir à une meilleure coopération et des positions communes plus solides ; 36,5 % pensent l’inverse.

L’échec du Brexit est patent aux yeux d’une forte majorité (65 %), contre à peine 10 % qui y trouvent des conséquences positives.

Concernant les 10 pays candidats à l’entrée dans l’UE, les perspectives d’élargissement sont majoritairement rejetées par les étudiants interrogés. Cette réticence traduit la crainte que
l’élargissement à de nouveaux États bloque un système de prise de décision perçu comme complexe. L’élargissement de l’UE, en la diluant, viendrait l’affaiblir à un moment où il faut au contraire la renforcer.

La porte est donc close aussi pour l’Ukraine (49 % contre, 31 % pour). Mais leur volonté de soutenir l’Ukraine en guerre est très claire : les étudiants approuvent sans réserve l’accueil de réfugiés fuyant la guerre (84,6 %), l’aide humanitaire (91,2 %), l’achat et la livraison d’équipement militaire (61,9 %), l’assistance budgétaire (67,3 %), les sanctions économiques (74,8 %), l’interdiction des médias russes de propagande (62,1 %) et l’utilisation des avoirs russes gelés pour financer la reconstruction de l’Ukraine (69,8 %).

L’Europe doit s’affirmer comme une puissance géopolitique souveraine pour 78 % de nos étudiants (55 % « pour » et 23 % « plutôt pour »), contre seulement 17 % (9 % « contre » et 8 % « plutôt contre »), 5 % ne s’exprimant pas. Dans cette perspective, les étudiants sont très favorables (87,3 %) à la mise en place d’une politique de défense avec un Commissaire à la Défense (66,5 %), une politique étrangère commune renforcée (77,1 %) et des financements pour l’industrie de défense (78 %).

In fine, les étudiants interrogés se disent raisonnablement optimistes (43 %) pour le futur de l’UE, contre 34 % de pessimistes et 24 % restant dans l’expectative.

Cette enquête sera complétée par des travaux réalisés lors du cours « Présidence de l’Union européenne », actuellement donné à l’ESSEC: les étudiants identifieront des propositions susceptibles d’inspirer le « Commission Work Programme », c’est-à-dire les priorités de la nouvelle Commission européenne pour les cinq prochaines années.

À cette occasion, deux étudiants de l’ESSEC prendront la parole pour relayer les priorités de leurs camarades.

 

Fondé à l’ESSEC en 1996, et dirigé par Aurélien Colson, l’Institut de recherche et d’enseignement sur la négociation assure depuis 2005 tous les programmes de formation à la négociation pour la Commission, le secrétariat général du Conseil, le Parlement, et les agences spécialisées de l’Union européenne. L’ESSEC IRENÉ coordonne ces travaux dans un consortium réunissant également le Collège d’Europe et EIPA. En 2014 fut inauguré à Bruxelles le bureau dédié à ces missions, IRENE EUROPA.

 

 

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