et Guillaume Chevillon, Co-Directeur académique ESSEC Metalab for Data, technology & Society, Co Directeur académique du Master in Data Sciences & Business Analytics de l’ESSEC
1- Pourquoi CentraleSupélec et l'ESSEC Business School ont décidé de se rapprocher sur les enjeux de la data ?
Francesca Bugiotti : CentraleSupelec et l’ESSEC sont deux écoles d'excellence dans deux thématiques différentes, l’ingénierie et le management, qui sont à la base de l'innovation d'aujourd'hui.
Ces dernières années, nous avons pris conscience que l’analyse des données est importante mais nous devons encore travailler sur l'idée que ce n’est pas l'analyse en soi qui est importante, ni même les données, mais de savoir analyser celles-ci pour développer des connaissances qui ont un impact dans l'entreprise, la recherche et la communauté en général.
On voit donc l'importance d'avoir des leaders d'entreprise qui savent en quoi consiste l'analyse de données et l'intelligence artificielle, et des équipes techniques qui peuvent repérer la valeur dans ces données et dans les analyses qu’ils mettent en place.
C'est dans ce contexte que nos écoles ont commencé à travailler ensemble dans des formations qui vont transmettre ces compétences variées et complémentaires, afin que les élèves cultivent naturellement les automatismes techniques et managériaux à la base de cette innovation.
Guillaume Chevillon : La collaboration entre nos deux écoles remonte à de nombreuses années, et nous avons été les premières en France à permettre un double diplôme croisé où les étudiants des deux écoles peuvent obtenir le diplôme, estampillé Grande Ecole/Master in Management ou Ingénieur, de l’autre établissement. Cette longue histoire commune, liée à nos valeurs humanistes partagées de responsabilité et d’autonomie, nous amène à développer ensemble toujours davantage de programmes quand le besoin d’allier sciences, sciences sociales et management nous paraît évident.
Nous avons aujourd’hui trois programmes intégralement conçus par CentraleSupélec et l’ESSEC : un Mastère Spécialisé® en Entrepreneuriat, un Master in Data Sciences & Business Analytics et nous accueillerons en septembre 2023 la première promotion du Bachelor in AI, Data & Management Sciences (BSc AIDAMS). Ces trois programmes, chacun à leur manière, participent à la formation de citoyens éclairés pour qu’ils comprennent, analysent et pilotent la transformation radicale que l’avènement de l’ère des données et de l’intelligence artificielle engendre pour les entreprises et la société. Aucune entreprise ou institution, aucun professionnel ne peut aujourd’hui s’abstenir de comprendre le fonctionnement et les possibilités qu’offrent les sciences des données, le machine learning et l’IA. Concevoir des programmes en commun, mixer nos formations et nos professeurs constitue une des meilleures manières de préparer les leaders d’aujourd’hui.
2- Pourquoi est-ce nécessaire que les deux écoles travaillent ensemble sur les enjeux de la data dans la transition écologique et sociale ?
Francesca Bugiotti : La transition écologique est un sujet riche qui trouve ses moteurs d'innovation dans le contexte du management comme dans celui de l'ingénierie.
Les actions d'une entreprise doivent donc être dirigées par un management qui prend en considération tous ces éléments et capable naturellement d'identifier les processus qui peuvent être mis en place grâce aux nouvelles opportunités de la data science et de l'intelligence artificielle pour une entreprise respectueuse de l'environnement.
Cette innovation peut être aussi guidée de façon complémentaire par l'équipe technique de l'entreprise qui, ayant conscience de la valeur globale des processus développés, peut identifier des nouvelles sources de données et de nouvelles analyses pour mener la transition écologique.
Nos deux écoles ont ces potentiels d’innovations avec des aspects plus techniques ou managériaux, et peuvent établir une synergie pour former des experts avec des connaissances complémentaires et une vision réaliste du changement. Par exemple, un ingénieur pourra améliorer l'écriture d’un code pour décrémenter la consommation énergétique ou planifier les processus selon le compromis optimal entre le temps qui constitue le vrai besoin de l'entreprise et son impact environnemental.
Guillaume Chevillon : La transition écologique et la mitigation des changements climatiques ne s'opèrent pas par un coup de baguette magique, ni par une technologie miraculeuse qui résoudra tous nos problèmes (la fusion nucléaire, la captation du carbone de l’atmosphère…). Elles nécessitent une adaptation de chacun dans l’ensemble de nos activités, privées et professionnelles. Il faut donc pour tous nos étudiants comprendre les questions énergétiques et de pollution (un domaine où les connaissances techniques sont essentielles) et les meilleures manières pour les secteurs public et privé de réduire leur impact via une meilleure organisation, une meilleure gestion. En outre, le développement technologique a naturellement un impact négatif sur l’environnement, mais il peut - il doit - contribuer aux solutions. La transition sociale n’est d’ailleurs pas indépendante de ce processus, car le développement de l’IA peut engendrer de nombreux problèmes de discrimination, d’aliénation sociale, de rupture du consensus démocratique. L’alliance entre l’ESSEC et CentraleSupélec, tant dans nos enseignements que dans notre recherche, nous permet d’être une force pour le bien. Nous devons être à la hauteur de ces enjeux !
3- Quelles sont les attentes des jeunes générations ?
Francesca Bugiotti : Les nouvelles générations sont porteuses de l'évolution de la société. Attentives à l'environnement, aux changements climatiques et au développement durable. Ces sujets ont des enjeux interdisciplinaires et les nouvelles générations ont conscience que c'est nécessaire d'avoir des compétences dans plusieurs secteurs d’activités.
Elles attendent des formations que nous proposons qu’elles soient dynamiques et que nous anticipions de l'innovation pour et avec eux.
Il est important que les Écoles soient ouvertes dans leurs expertises et qu’elles permettent un contexte dynamique, interdisciplinaire et transversal qui permettront à leurs élèves d’être les protagonistes du futur.
Guillaume Chevillon : Les jeunes générations sont exigeantes envers elles-mêmes et envers nous. Elles nous questionnent sur nos contradictions, sur nos modèles économiques et de pensée, sur nos façons d’être et de travailler, sur nos biais cognitifs inconscients. Leur connexion au monde et leur accès à la connaissance sont sidérants quand on les compare avec les possibilités qui nous étaient offertes au XXe siècle.
Nos étudiants nous forcent à nous remettre en cause et à innover. En tant qu’institutions éducatives, nous pensons que l’échange intellectuel, le brassage des idées et la rencontre de la diversité sont essentiels à la formation des citoyens d’aujourd’hui. Mais comment concilier ces nécessités avec, par exemple, la réduction nécessaire des trajets en avion ? Comment faire pour que les continents ne se referment pas sur eux-mêmes et que nos étudiants maintiennent leur compréhension des différences culturelles, de pensées et de vision ? La solution réside-t-elle uniquement via les échanges numériques, aujourd’hui les réseaux sociaux et demain les métavers ?